Dans les décennies à venir une majorité d’êtres humains sera connectée au réseau des réseaux. Le lien internet est devenu le marqueur incontournable du 21eme siècle où tout un paquet de terriens, considérés comme des barjots par beaucoup, est en train d’inventer la société du futur. Malgré les retards prévisibles de certaines nations, elles seront toutes confrontées à des problèmes qui n’ont jamais été rencontrés durant toute l’histoire de l’’humanité. J’ai trouvé amusant de tenter d’en cerner une partie dans le futur de l’Internet.

L’avenir du numérique sera indéniablement marqué par le nombre. Toutes les mesures, toutes les évaluations, tous les chiffres qui, de près ou de loin, touchent à l’Internet donnent et donneront le vertige : le nombre de sites, de courriels, de twitts, d’échanges dans les réseaux sociaux, d’accumulation des informations, de vidéos mises en ligne, de virus même, dépasse l’entendement. La Chine dispose d’une population de 1 milliard trois cent millions d’habitants, l’Inde de 1 milliard et cent millions. Les personnes y parlant anglais seront bientôt plus nombreuses que celles de la Grande Bretagne, l’Australie, le Canada et l’Amérique du Nord réunis : elles seront sur Internet. Songez que les éditeurs sortent plus de 3000 livres par jour et qu’entre aujourd’hui et l’an prochain le monde aura produit quasiment autant d’informations que depuis le début de notre calendrier. Notez enfin qu’au moins un milliard de mails a été échangé au moment où vous finissez de lire ces lignes. Les moteurs de recherche répondent à plusieurs milliards de requêtes par jour. Ils vont devenir, aidés en cela par les IA (Intelligence Artificielle), l’alpha et l’oméga de l’exploitation et de la circulation dans les données dans le monde numérique mais aussi de l’interconnexion entre les milliards d’objets.

JEVOIS...L’internet sera d’abord l’outil clé de l’éco-efficience mondiale. Si toute l’humanité pouvait consommer comme un américain, il nous faudrait l’équivalent de trois à quatre Terres pour subvenir à nos besoins. Rassurons-nous, l’internet mondial sera l’instrument qui va permettre de formidables gains de productivité globaux dans la plupart des domaines d’activités. Nous sommes entrés dans un cycle d’économie des ressources qui avait été prédit par l’économiste russe Nikolaï Kondratiev dans les années 20. Il annonçait alors que le cycle à partir des années 92, serait une période gestionnaire qui suivrait celle, stratégique, des années 40 à 92. Dans cette recherche d’économies, les réseaux sont désormais considérés comme un moyen de repenser fondamentalement de nouvelles formes d’organisation moins gourmandes en ressources. Quand, par exemple, on parle de travailler à distance, il est vite évident que l’on est en train de parler d’une organisation moins consommatrice d’énergie et de ressources. Peu de gens semblent avoir conscience de ce formidable bond que nous promet l’Internet mondial. Pourtant de multiples signaux nous disent les nouvelles orientations des consommations, nous indiquent les nouveaux gisements de productivité que certaines entreprises et maintenant certains pays doivent intégrer dans leurs politiques avec l’aplatissement des courbes de croissance. Des milliards d’internautes circuleront, étudieront, consommeront, s’informeront ou s’amuseront dans des univers simulés, au prix d’une consommation matérielle et énergétique minime. Cette prégnance du monde numérique sur le monde réel ne va cesser de croître avec la transformation des biens et des produits tangibles en biens et produits immatérielles, à l’exemple de votre bibliothèque ou de votre vidéothèque, devenues numériques.

Télévie low cost à gogo pour une économie participative. La généralisation de la Télévie qui caractérise nos sociétés en réseaux modifie profondément nos comportements de consommateurs. Ce qui va bien évidement contribuer à cette éco-efficience qui ouvrait mon article. Assisté par des traducteurs et des moyens de paiements électroniques performants, le réseau des réseaux, permettra la généralisation d’une économie lowcost. D’une économie aussi de seconde main, qui a pris le nom d’économie circulaire, touchant la plupart des productions mondiales que ce soit dans les domaines de l’éducation ou des échanges « one to one » de produits ou de services de formation et d’assistance les plus divers. Je présume qu’il n’échappe à personne que nous assistons déjà à une augmentation spectaculaire de services orientés vers l’optimisation ou l’économie de ressources que ce soit par la coopération, l’entraide ou la substitution aux offres traditionnelles. Internet sera un outil d’aide à la vie économe « des « producteurs-consommateurs » (le CtoC) en identifiant et en favorisant les fournisseurs proposant des solutions astucieuses et bon marché. Une économie de l’usage, de basse intensité, où les fournisseurs pourront être de simples individus, à l’exemple de la location, du partage ou de l’échange des véhicules, des appartements ou encore de crédits entre particuliers. Ce qui n’ira pas sans créer de nombreux conflits d’intérêts avec les organisations marchandes traditionnelles 1 . Un impact qui va aussi obliger la Cité à devenir « plus intelligente » ! Le réseau a déjà une place particulière dans les expériences et les applications de services utiles aux habitants des villes, à la réussite des Eco-quartiers pour une vie collective plus économe. Multiplication de services publics distants évitant des déplacements inutiles, facilités pour entrer en contact avec des agents publics, identification de services locaux – comme les parkings – les moins chers, ou encore services de recyclages divers. Cartographie permettant de situer rapidement une adresse dans une ville, puis de localiser l’immeuble dans lequel on vous propose d’acheter un appartement tout en estimant la qualité de son isolation, de pouvoir visiter virtuellement le quartier pour y découvrir les services, les commerçants ou les écoles.

Un conflit permanent entre les temps longs et les temps courts. L’Internet entraine une société connectée vers une interaction totale et « speedée » des terriens. Dans sa version empirique, la loi de Moore considère que le nombre de transistors nécessaires pour augmenter la puissance d’un ordinateur double tous les dix-huit mois. De même, le nombre d’internautes connectés dans le monde augmente de façon sensiblement similaire : il double tous les dix-huit mois ! Même si les puristes trouvent cette affirmation bien audacieuse voire trompeuse, elle a l’avantage – comme « l’effet club » ou loi de Metcalfe, d’expliquer pourquoi les temps d’horloge des internautes tout comme les temps d’éclosion des innovations et de leur diffusion en sont accélérés, bouleversés. Les idées et les bonnes pratiques circulent de plus en plus vite dans les espaces traditionnels irrigués par la Toile ce qui, bien évidemment, met une pression énorme sur les entreprises et leurs dirigeants. Le paradoxe entre la nécessité de gérer les « temps longs » (investissements financiers) et les « stratégies du lendemain » (marketing de niches) va s’affirmer de plus en plus 2 . C’est en cela sans doute que les entreprises qui s’en sortiront le mieux seront celles qui auront su tirer le meilleur parti du « Big data » et de la veille intelligente sur les réseaux sociaux. Là encore, Internet sera l’instrument de la surveillance des évènements les plus divers, celui qui facilitera la découverte de logiques nouvelles, des tendances émergentes encore masquées par un bruit de fond considérable. C’est toujours lui, qui permettra l’accès à la production de centaines de millions d’idées, d’hypothèses, de calculs, de résultats de réflexions élaborés par les plus belles intelligences de la planète. L’accélération des modes de consommation et d’achat oblige à rendre encore plus pointus les “ radars ” qui identifieront les signaux faibles issus de multiples horizons. Une mode ou une initiative quelconque peut partir du Japon ou d’Australie avant de contaminer de façon fulgurante l’ensemble de la planète. Les services personnalisés de veille et de traitement de l’information sur la base de demandes très précises et fines vont devenir accessibles à la plus modeste des entreprises préalablement à toutes décisions marketing.

La généralisation de la téléportation d’objets et de produits biologiques. Un autre phénomène va marquer profondément les décennies à venir: la téléportation 3D. Celle dont nous parlons n’a rien à voir avec celle de Star Trek où l’on voit des hommes se dissoudre pour se recomposer des millions de kilomètres plus loin. Non, la téléportation dont nous parlons fera appel aux imprimantes 3D afin d’épargner des milliards d’euros d’unités et d’espaces de stockage, afin de limiter l’immobilisation de capitaux, permettre l’économie de matières premières, de transports, tout cela et bien plus parce que l’on aura appris à maitriser la transformation d’un bien numérique – un programme informatique – en un bien tangible. imprimer-en-ligneEn cette fin d’année 2014, la Nasa et les astronautes de la station spatiale ISS ont réalisé un exploit encore invraisemblable il y a moins de 10 ans. Grace à un simple courriel et une pièce jointe, les services au sol ont envoyé un fichier à l’engin orbital qui a piloté la fabrication d’une clé à cliquet à l’aide de l’imprimante 3D installée dans le module. Vous pouvez vous attendre bien avant la fin du siècle à une multitude d’expériences tout aussi étonnantes. Déjà l’on parle de la « téléportation » de molécules ou de cellules décrites dans des logiciels spécialisés, capables de commander à distance l’impression de composants biologiques à des imprimantes 3D adaptées. La révolution des objets en 3D en cours va bouleverser fondamentalement les chaines de la valeur d’une majorité d’industries mais aussi – une fois encore – de la distribution grâce à la généralisation dans les foyers de l’installation de ces imprimantes 3D en mesure de « fabriquer à la demande » les objets les plus divers. De leur côté, les programmeurs spécialisés vont faire de véritables fortunes en maitrisant la conception informatique dédiée à ce type d’imprimantes.

Perturber le fonctionnement des objets connectés sera le grand jeu mondial des ados branchés. Autre préoccupation très prévisible, l’intensité croissante des problèmes de virologie de l’internet. Des virus inventés par des hommes et sans doute aussi par des machines (IA) circuleront de façon continue dans nos réseaux au risque de mettre à mal les ordinateurs de millions d’internautes. Les mobiles et les objets connectés seront dix fois plus nombreux que les humains sur terre. Ils seront aussi plus performants et moins chers, permettant à chacun d’être branché sur la sono mondiale. Une cible très tentante pour les hackers qui souhaitent en prendre le contrôle. La cause de l’accroissement spectaculaire de cette virologie de l’internet aura aussi une cause tout à fait ludique. Elle sera liée aux immenses jeux de guerres virtuelles que vont se livrer les ados branchés de la prochaine décennie.

L’objectif sera de rendre fou et hors contrôle – dans un temps donné- la plus grande quantité possible de robots domestiques en s’attaquant aux milliards d’objets connectés ! Votre réveil affiche des heures impossibles et vous réveille de façon fantaisiste, votre four démarre et sonne à tout bout de champ, votre alarme incendie se déclenche, votre porte de garage s’ouvre et se ferme sans raison, les pompiers viennent sauver votre vielle mère dont le patch fonctionne anormalement, ou encore c’est l’imprimante 3D de votre bureau qui démarre pour vous sculpter un beau zizi. Etc. etc. L’imagination et la créativité de la masse des internautes des prochaines générations de plus en plus familiers, voire experts en programmation, va donner du fil à retordre aux fabricants. Robots ménagers, d’entreprises ou de sécurité, rien ne sera épargné, une sorte de challenge international entre adolescents (ou autres) va se développer encouragée par les « résistants à la robotisation » de notre société – qui fait perdre des emplois selon eux. La poursuite et la pénalisation de tels actes de « télé-vandalisme » vont s’avérer particulièrement difficile donnant à quelques petits malins l’occasion d’opérations de chantages rémunératrices.

Internet sera un réseau Intelligent, indiscret, intrusif mais aussi protecteur. En 2000, Arthur C. Clarke, célèbre auteur de SF, et son complice co-auteur de l’époque, Stephen Baxter, avaient prédit dans «Lumière des jours enfuis » la création d’un procédé révolutionnant les communications. La « Camver » à côté de quoi l’idée que l’on se fait de la NSA et du KGB est de l’enfantillage. Ce procédé permettait de s’introduire n’importe où, d’enregistrer et de visionner instantanément des images provenant des moments les plus intimes de chacun. On voit alors le monde se figer dans un voyeurisme morbide, allégorie d’une humanité soumise au pouvoir des médias, aux effets pervers de la civilisation « tout écran » dénoncée par Jacques Gautrand. Cette face de l’internet et des réseaux en général tend à masquer l’intérêt de modifier la perspective qui fait de l’intrusion électronique quelque chose de répugnant. Cet excès de déshonneur masque de façon dommageable un changement de paradigme qui fait alors de cette surveillance un instrument de la protection et de la sauvegarde de l’individu, de sa famille et de ses biens. En d’autres termes, les IA des réseaux domestiques vont étudier les sollicitations des internautes mais aussi surveiller les multiples transactions que s’échangent les dizaines objets connectés : un véritable Big Brother protecteur autant que censeur naitra dans les deux décennies à venir et nous ne pouvons rien y faire ou pas grand-chose. Nous le souhaiterons même. Pourquoi ? Parce qu’il participera à l’éradication automatique des virus qui vont continuer à augmenter de façon exponentielle et à protéger l’intégrité des identités numériques. Par voie de conséquence, une bataille homérique est prévisible entre les partisans (pays, institutions, personnes ou entreprises) du refus d’accès aux données pourtant utiles à la collectivité, ceux qui voudront les monnayer très cher et enfin les partisans de l’Open Data. Les tensions seront encore plus vives lorsqu’il s’agira de données associées à des individus, à des groupes sociaux précis. Il y a de fortes probabilités pour que nos sociétés généralement peu enclines à la révolution soient traversées par des courants violents « anti-internet-big-Brother ». Nos enfants et petits enfants vont devoir faire face à une asymétrie épouvantable, préoccupante, des pouvoirs. Ces conflits à la fois éthiques et philosophiques auront une conséquence selon moi inattendue. Les internautes citoyens vont prendre l’habitude de choisir leur opérateur de réseau en fonction, non pas des prix et des débits, mais en fonction des garanties de respect de leurs données, des protections de leur identité et de leur patrimoine immatériel déposé dans leurs serveurs.

Les gouvernements traditionnels dépassés et marginalisés par la société numérique. Explosion des nombres, migration des marchés les plus rentables, des centres de pouvoir économique et perte d’influence des puissances du 20ème et du 21ème siècle. Les difficultés majeures viendront de la résistance des institutions les plus diverses face au vertige des mutations qui les mettent généralement sur la touche, le monde connecté tentant par diverses stratégies de les contourner, de les rendre obsolètes. Avec la concurrence de plus en plus évidente entre les modèles fiscaux et bureaucratiques des pays, la question de la diminution de la sphère publique va se poser. Elle se posera de façon d’autant plus agressive que cette dernière refusera de se remettre en question et de peser moins sur l’économie des entreprises et des citoyens. Celles des nations qui s’y refuseront seront obligées de « surfacturer » à leurs corps sociaux le coût de l’Etat et de la redistribution. En effet, il ne faut pas oublier que le développement de la Télévie n’en est qu’à ses débuts et que des applications de plus en plus nombreuses pourront s’effectuer à partir de territoires voisins et étrangers à l’abri d’une fiscalité trop gourmande. Le goût de « l’Etat light » nous viendra sans doute par obligation. Autant nous y préparer car dans le redéploiement international en cours des ressources et des moyens de production, les financiers n’auront d’autres choix, pour limiter le différentiel du coût de la main d’œuvre, que de privilégier des investissements tirant des machines et des robots l’essentiel de leur valeur ajoutée. En d’autres termes, si cela n’était pas suffisamment clair, les arbitrages sur la répartition des activités privilégieront l’automatisation à l’embauche, le capital au travail !

Ceux qui détiendront les réseaux de serveurs et les routeurs seront les maîtres du monde. La globalisation rapproche instantanément les peuples et relie un monde socioéconomique multipolaire qui compte bien utiliser les réseaux électroniques pour s’éduquer et s’enrichir. Autrefois, on pouvait le faire en s’insérant dans les circuits commerciaux des biens. Aujourd’hui des opérateurs construisent des artères plus ou moins favorables à des nations ou des régions économiques entières. On peut dire que ceux qui tiennent les infrastructures tiennent l’économie numérique du futur. D’ores et déjà, au moment où le trafic lié à Internet dépasse largement le trafic téléphonique mondial, les principaux fournisseurs mondiaux d’accès Internet sont tous américains. Il est difficile de croire qu’ils ne se serviront pas de cet avantage stratégique pour leurs affaires, d’autant que les opérateurs de services mondiaux eux aussi sont encore majoritairement d’origine américaine. Demain, grâce à de puissants data centers répartis dans le monde, ils domineront les marchés des applications de la vie et de l’économie numériques si les européens n’investissent pas massivement dans des solutions alternatives. De terribles confrontations sont prévisibles relatives aux libertés de circulation des flux et des débits échappant aux taxes ou au fisc des nations subissant la domination des services en ligne « hors sol ». La France a déjà perdues deux décennies pour imposer une taxe – fut-elle minime et modulée – au consommateur final sur les débits consommés alors qu’elle finance l’essentiel des tuyaux qui servent à l’implantation des services « offshore ».

La puissance des empires numériques nécessitera le renforcement des protections des cybers citoyens. La plupart des gouvernements mondiaux incapables de s’adapter à la civilisation digitale seront débordés par la création d’empires numériques auxquels adhéreront de plus en plus de citoyens. Les adhérents à LinkedIn dépassent les 347 millions, une nation numérique qui reste un nain face aux réseaux de services de centaines de millions de membres à l’exemple de Google, de Facebook, de Microsoft et bien d’autres. Leurs pouvoirs d’influence sociale et économique sont déjà considérables. La généralisation des réseaux sociaux va constituer de véritables nations numériques de citoyens qui pourraient se regrouper par des affinités diverses dont les garanties « constitutionnelles » pourraient être la clé. En d’autres termes, les pouvoirs publics devront rendre plus visible, cohérente, l’idée qu’ils se font des évolutions de la charte des citoyens internautes et des protections qu’ils peuvent attendre de leur pays. Un message que j’ai tenté de faire passer lors de la rencontre de l’Académie de L’Intelligence Economique (AIE) de novembre 2013 à Polytechnique : « Les Etats seront des puissances numériques d’autant plus fortes et respectées qu’elles sauront gagner une bonne réputation en matière de défense des biens numériques et des données de leurs ressortissants, de cantonnement des attaques et de mesure de rétorsion dans le cas d’abus ou de menaces » (comme viennent de le démontrer les Etats-Unis avec l’affaire Sony /Corée du Nord). En d’autres termes, un Etat doit avoir l’ascendant technologique sur ses nouveaux empires numériques afin d’être en mesure de faire respecter sa souveraineté dans son espace numérique propre. Cela veut dire aussi que les qualités de dissuasion de son arsenal juridique et de ses systèmes de défense cybernétique ne doivent pas rester discrètes et secrètes. L’Etat doit donner le sentiment à ses ressortissants, quels qu’ils soient, individus ou entreprises, qu’il est en mesure de les protéger contre des vols de données et les risques de chantage toujours possibles.

Internet, deviendra un réseau plus intelligent et auto adaptatif. Le destin de la population mondiale est désormais scellé dans les réseaux. Posez un instant le sac, et pensez à ce que serait notre monde, notre business, notre vie familiale et professionnelle si on nous privait de tous les réseaux de communication dans lesquels notre vie est désormais immergée. Pour autant cette société numérique est extrêmement fragile et controversée. Une bombe EMP, c’est à dire une bombe électromagnétique ou un virus puissant pourrait mettre à genoux en quelques secondes des zones sensibles de l’Internet et les puissances économiques visées, à l’exemple récent des attaques sur des entreprises de tailles mondiales. Compte tenu de cette fragilité supposée, des solutions de réinitialisation et de reconfiguration rapides du réseau sont d’ores et déjà prévues. Par voies hertziennes, par câbles, par satellites, via des ballons stratosphériques, etc. de multiples options sont disponibles pour les principaux opérateurs. Au-delà des controverses sur « qui gouverne quoi sur la Toile », il devient évident que le « réseau des réseaux » doit à terme pouvoir s’autocontrôler et s’auto-réparer en quelques millièmes de secondes. En d’autres termes il est tout à fait prévisible qu’Internet soit doté progressivement d’intelligence artificielle afin de renforcer ses capacités d’auto adaptation. Au final, comme le supputent nombre de récits de science-fiction, ce n’est pas l’indiscrétion crainte qui posera le plus de problème, ce sera le pouvoir qu’aura pris le réseau sur lui-même. « Il existe aux Etats-Unis, raconte Alvin Tofler, un réseau qui relie certains professionnels de la confection, informant quasi-instantanément les fabricants de tissus et les magasins de vêtements. Vue la vitesse à laquelle les modèles se démodent, un tel réseau a permis d’alléger au maximum les stocks, d’affiner le réglage des réassorts et d’augmenter le profit de ses membres de 25%. Finalement, c’est lui qui détient le pouvoir. » Ce qui est possible pour un secteur d’activité, on le conçoit bien, l’est tout autant pour d’autres. En d’autres termes, en devenant plus intelligent, Internet participera à la régulation des trafics et à la surveillance des anomalies qui pourraient en affecter le fonctionnement. Ce qui, je le souligne ici pour les geeks hypocondriaques, n’a rien à voir avec la prise de pouvoir fantasmée d’une IA omnipuissante et omniprésente !

trackingLes Internautes vont devoir se familiariser avec les glyphes. L’intensité informationnelle conduit à la saturation des individus face à une surinformation qui va jusqu’à rendre malade. Si nos ainés ont su inventer les logos qui caractérisent de façon simple mais explicite certains services ou les particularités des routes que nous empruntons, la presse et les producteurs de contenus s’intéressent à inventer des modes de représentation condensée d’informations par le biais d’infographies diverses. Des signaux visuels encombrent déjà les pages web et des livres numériques afin de faciliter l’interprétation et la navigation dans des corpus de documents qui peuvent être considérables. Il peut s’agir de visuels destinés à faciliter l’interprétation de chiffres, de statistiques, de corrélation ou de liens entre des données ou des informations d’apparence hétéroclites. Il s’agit par exemple de « symboles », de matrices ou de codes-barres 2D spécifiques à des activités et des professions particulières qui peuvent être lu par de multiples appareils portables. L’explosion des jeux en ligne a donné lieu à la renaissance des « glyphes » pour que le joueur ait rapidement sous les yeux des informations condensées instantanément interprétables pour préparer ses actions. Avec la navigation sur la Toile, ces pictogrammes sont devenus indispensables et complémentaires aux explications écrites. Ils sont censés favoriser, par exemple, une meilleure intelligibilité du fonctionnement d’un logiciel pour l’être humain ou très différemment pour permettre à un langage de rester secret pour des disciples, à l’exemple cette fois des signes religieux ou corporatistes considérés comme ésotériques par certains.

L’explosion des avatars va encourager celle des « morts vivants ». Dans les prochaines années, acheter ou mettre au point un double virtuel de soi-même ne sera plus une exception réservée aux seuls geeks. De plus en plus de représentations numériques d’individus envahissent notre quotidien professionnel et familial avec le risque avéré de voir aussi augmenter les problèmes d’usurpation d’identité. Ce problème est si important que nombre d’internautes vont – parfois pour de bonnes raisons – chercher à se protéger par des formes d’anonymisation grâce à des avatars. Mais peut-on imaginer qu’un jour arrive où notre internaute perde le contrôle de son avatar ? Plus étrange – et sans que rien ne nous ait préparé à ce phénomène- nous allons vivre l’explosion des doubles éternels, ombres numériques qui nous survivront parfois longtemps après la disparition de leur modèle de chair. Des problèmes d’un genre nouveau se poseront du maintien en « vie numérique » des défunts, de quel régime juridique ils dépendent alors que des enfants ou des ayants droit se réclament du droit à l’image, du copyright, de l’autorité sur les objets numériques issus de la créativité du défunt, représentations de lui-même y compris. Quelques « morts vivants numériques », j’en suis bien convaincu, donneront du fil à retordre à des familles désunies au moment de l’héritage qui comprendra de plus en plus de « biens immatériels ». C’est bien connu, nous ne manquons jamais d’être très créatifs en matière de chicanes !

Denis Ettighoffer février 2015

1 -Piégés dans la défense instinctive des corporations professionnelles mises en danger, les pouvoirs publics ne semblent pas avoir compris l’importance de l’internet sur le rapprochement entre l’offre et la demande et l’impact structurant de l’arrivée des « producteurs-consommateurs » sur le marché. Voir mon papier sur l’économie de basse intensité.
2- Il est frappant de voir comment la sphère financière c’est insérée dans ces temps courts afin de faire des profits, soucieuse de privilégier les actionnaires, au détriment de la maturation des marchés.
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A propos de l'auteur

Denis

Denis Ettighoffer, fana de science-fiction, auteur de « L’entreprise virtuelle », le livre qui l’a fait connaître en 1992 est un des spécialistes français reconnus dans l’étude projective de l’impact des TIC (Technologies de l’Information et de la Communication). Ses contributions à la réflexion sur les évolutions des sociétés, des modèles économiques et organisationnels sont nombreuses. Sa spécificité réside dans sa capacité à analyser le présent, pour en extraire les orientations économiques et sociétales stratégiques pour les décennies à venir. Son parcours atypique aura forgé chez lui une pensée singulière. Son dernier livre, « Netbrain, planète numérique, les batailles des Nations savantes » (Dunod) a reçu le prix du livre du Club de l’Economie Numérique en 2008. Denis Ettighoffer un temps Membre correspondant de l’Académie de l’Intelligence économique collabore désormais avec l’équipe d’IDEFFIE (Développement de l’expertise française et francophone à l’international et en Europe ) .

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