Nous dépensons des sommes astronomiques – c’est le cas de le dire –  afin de découvrir l’espace en ignorant une Terre en passe de devenir hostile à l’espèce humaine. Les médias n’arrêtent pas d’annoncer la fin de l’humanité. Ils nous promettent des milliards de morts, de survivants retournés à l’état sauvage, capables de s’entretuer pour un peu d’eau. Nous ne cessons de nous faire peur en nous prédisant des malheurs à l’infini, sismiques, géologiques, atmosphériques, cosmiques et parfois même risibles. Mais où voyez-vous l’espoir ? Alors que dans les plus prestigieux think-tanks américains, on imagine le terraformage de Mars, où sont les grands projets de terraformage[1] de notre boule de terre indispensables à la sauvegarde de nos modes de vie ? Si vous interrogez votre moteur de recherche préféré sur le sujet, vous serez stupéfaits de l’extrême pauvreté des réponses que vous obtiendrez. La géo-ingénierie n’existe quasiment pas.

Bien loin des espérances d’une vie dans les étoiles, il faut que notre modernité nous rende capable de faire vivre les milliards d’être humains qui nous attendent au tournant de ce siècle !? Depuis des années, on nous met en garde contre notre placidité, contre notre apathie et notre insouciance face à notre pulsion inconsciente d’autodestruction. Serions-nous fascinés par l’idée de notre propre perte comme si, passagers du Titanic en train de sombrer, nous nous intéressions uniquement à l’envoi de quatre passagers dans l’espace… Et l’espèce !? pourrait-on s’écrier.

Durant des siècles, des sociétés ont disparu dans les déserts du monde.  Des civilisations ont été englouties par les eaux, par des tremblements de terre, entrainées par des boues, asphyxiées par des émanations toxiques. Que croyez-vous ? Qu’aujourd’hui c’est fini !? Des régions entières sont en train de perdre leur végétation donc leur humidité, étouffées par la poussière, les champignons et le sable faute d’avoir eu les moyens technologiques de modifier leur environnement, d’agir sur le climat local, d’avoir su retenir l’avancée des déserts. Des aéroports sont en train de devenir progressivement inutilisables, les périodes de sécheresse sont plus longues laissant le vent arracher les terres arables, et nous ne ne voulons toujours pas regarder à nos pieds. Croyez-vous que les étoiles sauveront les millions de personnes mises en danger de mort faute de politique de terraformage ? … Celle justement que vous envisagez, messieurs les gouvernants, pour les futurs habitants de Mars… si jamais il y en a un jour !

Pensez-vous que nos astronautes vont jouer à Adam et Eve ? Sous le sable des déserts, des océans d’eau douce ou saumâtre attendent que l’on vienne les exploiter mais on préfère aller voir s’il y en a sous la couche de terre rouge de Mars. Les visiteurs peuvent observer dans certains endroits du Sahel que les maisons s’enlisent dans le sol. Non parce qu’elles s’enfoncent mais parce que le sable les ensevelit, décennies après décennies jusqu’au moment où la porte devient fenêtre et le toit une ouverture pour recevoir le visiteur. Ailleurs c’est la gestion catastrophique de l’eau qui cause la perte et la misère de villages entiers à l’exemple du Tage qui traverse l’Espagne et le Portugal qui est en train de s’assécher. Partout la mer menace, les déserts asphyxient, la sécheresse détruit les récoltes. L’eau manque ou manquera y compris dans les grandes agglomérations à l’exemple de New-York. Le tiers de la Chine est en train de devenir invivable. Toutes ces calamités appauvrissent des pays entiers, tuent des millions de gens, jettent à la rue des familles entières par milliers et, lorsque l’on parle d’un grand projet, c’est pour annoncer que la course vers Mars est lancée. On danse sur notre Titanic.

Le XXème siècle aura été celui de l’immobilisme et du blocage peureux des grands projets qui ont exalté nos grands-parents. Nous avons été capables de creuser le canal de Suez, de percer le canal de Panama, de construire le barrage d’Assouan. La Chine n’a pas hésité à prendre le risque du barrage des Trois-Gorges et le Congo et ses voisins ont lancé eux aussi un de ces grands projets pouvant avoir une influence sur le climat, mais ils restent bien rares freinés par une kyrielle d’opposants qui se prétendent « écolos ». Apôtre du statut quo, donc de l’immobilisme, donc de la mort.

Quand allons-nous enfin revoir ces grands projets qui mobilisaient des pays entiers, des milliers de citoyens ? Allons-nous enfin refuser de nous laisser imposer les misères d’une nature aveugle ? Nous restons passifs. Les recherches sur les réacteurs météorologiques n’avancent plus faute de ressources, faute de l’intérêt des nations et des scientifiques pour les vortex solaires initiés par les travaux d’Edgar Nazare. Il faut que les nations s’engagent dans des projets de géo-ingénierie et se constituent un savoir faire qui va devenir précieux pour les décennies à venir. Nous revivons avec la mer Morte la même histoire qu’avec la mer d’Aral, le lac Tchad. Le projet du canal de la mer Morte a été évoqué dès 1855 par un dénommé William Allen. Il offrait aux régions concernées l’arrivée d’une eau de la Méditerranée capable de faire tourner des turbines électriques sur les 400 mètres de dénivelé entre les deux mers, d’alimenter en eau et donc en humidité une région où ne poussent plus que des cailloux. Le projet prévoyait une activité de dessalement. Des milliers d’emplois étaient prévisibles pour un renouveau de l’agriculture, pour le tourisme. On envisageait une renaissance d’une immense région qui inclut la Cisjordanie, la Jordanie et Israël selon une dernière étude de 2009 pour lever les doutes sur la faisabilité du projet. Un accord cadre avait été signé en 2016 sans que rien ne bouge sinon le niveau d’une mer de plus en plus morte. Les pays arabes de la région ont largement les moyens de financer un changement de leur monde. Ils se contentent de construire des hôtels de luxe et des tours qui rivalisent entre-elles et qui seront vides un jour faute d’avoir pensé sur le long terme la viabilité des activités dans des pays ravinés, usés et envahis par le sable, vidés de leur pétrole. Ne resteront plus alors que des dunes aux creux desquelles les rares visiteurs pourront admirer des minuscules lacs alimentés par des sources souterraines, comme c’est déjà le cas dans le désert de Gobi qui avance inexorablement de 3000km² chaque année.

Il est pour le moins consternant de constater que des ingénieurs qui ont su faire face aux multiples contraintes imposées par la complexité d’un voyage dans l’espace sont soupçonnés de ne pas pouvoir anticiper et gérer, au fil de leurs découvertes, les problèmes posés par la complexité de la géo-ingénierie. Les gouvernants préfèrent attendre la catastrophe pour enfin porter quelques remèdes aux drames déjà consommés[2]. En attendant ceux à venir. La fonte des glaces soulage les pôles et la Terre de milliards de milliards de tonnes qui la font gonfler et se dilater imperceptiblement, facilitant les spasmes géologiques que les prélèvements des gaz et des pétroles accentuent en provoquant des séismes et la recrudescence des activités volcaniques. Les importants prélèvements forestiers en Amérique du Sud modifie le climat du sud des Etats-Unis en diminuant sa pluviométrie favorisant les gigantesques incendies que connait la Californie. Depuis des décennies, nous semblons incapables d’envisager la mise en route d’immenses projets de terraformage en mesure d’agir sur le climat, de modifier et réparer les troubles dont souffre Gaïa. Par contre nous n’hésitons pas à traverser des paysages arides et à dépenser des dizaines de milliards de dollars pour un gazoduc entre la Russie et la Chine, entre l’Alaska et l’Amérique, pour explorer des gisements nouveaux de gaz ou de pétrole sans trop penser à ce que nous laisserons à nos enfants.

Piéger le désert : la nouvelle muraille de chine. Bloquer la progression des sables est devenu un enjeu international qui concerne des dizaines de pays. Le Maroc qui érige des forêts d’arbres afin de limiter les sècheresses venues du Sahara, la Tunisie qui, comme l’Algérie, veut sauver ses oasis. Le Sénégal qui voit le désert ensevelir ses villages à sa frontière nord, le Mali, la Mauritanie, le Burkina Faso où il y a depuis longtemps plus de chameaux que d’arbres, le Niger qui tente de sauver son fleuve, le Nigéria, le Tchad qui a perdu quasiment tout son lac, le Soudan, l’Ethiopie l’Erythrée, Djibouti et j’en oublie. Plus de 110 pays sont concernés par ce problème. En 50 ans l’Afrique a perdu l’équivalent d’un territoire grand comme la France.  Dans une partie de l’Afrique saharienne les dunes avancent de 600 mètres par an. Depuis les années 1900, le désert du Sahara aurait progressé par endroits de 250 kilomètres vers le sud. Les nations en bordure du Sahel avaient décidé de créer un mur d’arbres de plusieurs milliers de kilomètres, malheureusement les populations locales, très démunies, se mettent à couper ce bois pour se chauffer et faire la cuisine.

Dans les régions septentrionales de la Chine, plus de 13 millions d’hectares de terres agricoles sont victimes des attaques des vents de sable. La production de fourrage des prairies chinoises n’est plus aujourd’hui que de 30 % à 50 % de ce qu’elle était dans les années 1950 et sa qualité s’est dégradée. Par ailleurs, 97% des terres au Ningxia, 61% au Xinjiang, 59 % en Mongolie-Intérieure, 56 % au Qinghai et 48 % au Gansu sont devenues désertiques. Le gouvernement chinois réquisitionne les terres afin d’ériger une grande muraille verte de 4 800 kilomètres sur 1 500 au long du désert de Gobi. Bien que le projet soit très controversé, depuis 1990 plus de 66 millions d’arbres ont déjà été plantés. Des forêts d’arbustes commencent à gagner du terrain sur le désert qui font de ce pays un des pionniers de la lutte contre la désertification[3]. Ces projets de terraformage constituent une priorité pour la Communauté des États sahélo-sahariens mais aussi pour tous les pays de la planète qui ne pourront pas accueillir tous les naufragés climatiques. Toutes les nations du monde ont un intérêt commun à financer des expériences en mesure de limiter les déplacements des dunes et des ensablements.

La solution viendra-t-elle d’une minuscule bactérie ? Après tout on utilise bien des champignons pour dépolluer les sols, des fourmis et des vers pour reconstituer une steppe dégradée. Les sciences du vivant nous réservent bien des surprises pour réparer les dégâts causés par l’homme. Un architecte suédois, Magnus Larsson plaide depuis des années pour le lancement d’une expérience faisant appel à une bactérie la sporosarcina pasteurii, qui a la propriété de transformer les grains de sable en grès[4]. En d’autres termes de transformer le sable en pierre et de le faire de façon économique en profitant des possibilités offertes par la géo-ingénierie pour « sculpter » en quelque sorte le paysage de grès créé par ces bactéries. Bien sûr, il existe d’autres façons de solidifier le sable, la chaleur par exemple mais à quel prix !? La solution proposée par Larsson est désormais bien connue, pourtant ce procédé de géo-ingénierie, ou d’autres, n’ont pas encore fait l’objet d’une expérimentation grandeur nature. Comment ne pas songer aux grands bâtisseurs des siècles passés, ceux qui ont construit avec peu de moyens la muraille de Chine, les Pyramides, les Temples et les réseaux d’irrigation en Inde, dans les différentes régions d’Asie ou encore, les Mayas, les Incas, les Aztèques, qui nous font encore aujourd’hui la démonstration que l’on peut déplacer des montagnes pour transformer notre environnement. C’est désormais à leurs descendants que revient la mission d’améliorer les conditions de vie des passagers de la Terre, avant même d’aller poser le pied sur Mars. Il y a un savoir précieux à acquérir pour notre survie. Alors, qui commence la nouvelle muraille contre la désertification de notre planète plutôt que celles qui veulent empêcher les hommes de circuler !?

Pour en savoir plus : http://www.fao.org/docrep/r5265f/r5265f02.htm

L’arbre qui ne craint pas le désert

L’eau solide lien de la traduction

Expérience de consolidation des sols par la bactérie sporosarcina pasteurii

[1] Voir définition http://www.astropolis.fr/espace-culture/foire-aux-questions/qu-est-ce-que-la-terraformation.html

[2] Le désastre puis la renaissance de la mer d’Aral, nous montre qu’il n’est pas impossible de revenir sur nos erreurs passées. Mais peut-être est-il temps de s’attaquer aux autres causes des misères géologiques et climatiques du monde.

[3] Le plus difficile pour ces pionniers sans doute est de constater que nombre d’innovations n’ont même pas le soutien de leurs gouvernements. Emblématique, l’histoire de « l’eau solide » de l’ingénieur mexicain Sergio Jesús Rico Velasco, illustre la difficulté de peser sur l’indifférence des responsables pour des sujets encore considérés comme secondaires.

[4] Voir expérience de la bactérie dans le bâtiment

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A propos de l'auteur

Denis

Denis Ettighoffer, fana de science-fiction, auteur de « L’entreprise virtuelle », le livre qui l’a fait connaître en 1992 est un des spécialistes français reconnus dans l’étude projective de l’impact des TIC (Technologies de l’Information et de la Communication). Ses contributions à la réflexion sur les évolutions des sociétés, des modèles économiques et organisationnels sont nombreuses. Sa spécificité réside dans sa capacité à analyser le présent, pour en extraire les orientations économiques et sociétales stratégiques pour les décennies à venir. Son parcours atypique aura forgé chez lui une pensée singulière. Son dernier livre, « Netbrain, planète numérique, les batailles des Nations savantes » (Dunod) a reçu le prix du livre du Club de l’Economie Numérique en 2008. Denis Ettighoffer un temps Membre correspondant de l’Académie de l’Intelligence économique collabore désormais avec l’équipe d’IDEFFIE (Développement de l’expertise française et francophone à l’international et en Europe ) .

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