L’homme qui regardait la tempête de sable s’abattre sur sa méharée ne s’étonnait plus de la puissance des vents qui allaient les ensevelir. Ils étaient habitués. Toutes les précautions avaient été prises. Tous les équipements du groupe étaient soigneusement empaquetés, les dromadaires protégés alors que les hommes s’enterraient volontairement. Tous savaient que, durant des jours et des jours, ils trouveraient partout, dans leur paquetage, leur nourriture, leur vêtement, ce talc jaunâtre qui pouvait les étouffer.

Il était l’homme qui, avec sa carabine à lunettes, avait tué la dernière antilope du Ténéré sous les applaudissements de ses compatriotes, des Toubous venus des confins du Soudan tchadien. Une région où l’on vivait de plus en plus difficilement, où les oasis disparaissaient sous le sable. Contrairement aux Européens, les habitants de la région constataient concrètement la diminution des arrivés d’eau dans le lac Tchad. On ne retrouvait qu’une maigre végétation et quelques autochtones irréductibles à une demi-journée après Ouasa, à Oualodjé, domaine d’un certain nombre de tribus Choa, cohabitant avec des Beni-Hassen ; les Salamat, les Jessie et d’autres familles qui vivent vers le Bornou et le Tchad où se trouvent encore des campements Mandara et Bornou. Dans les années 50, la région était comme une vaste oasis de cultures et de pâturages car encore traversée par un oued important venu des montagnes du Mandara, après s’être épanché dans la cuvette de Oualodjé, pour se déverser ensuite dans le grand Bahr menant à Séhihi ; c’était à cela qu’était due la verdure de cette région et l’afflux des campements de toutes ethnies. Des années plus tard, le sable avait progressivement tout enseveli et le monde des humains avec lui. Tous vivaient sa lente disparition, seuls des hommes comme ce vieux chasseur survivaient difficilement grâce au commerce du sel et des armes de contrebande.

Pourtant dans les temps pas si anciens, la vie était abondante en centre Afrique. On péchait dans le lac Tchad, véritable mer intérieure, ressource vitale indispensable aux habitants du Tchad, du Cameroun, du Niger et du Nigéria qui ne cesse de se réduire.  Maintenant dix fois plus petit qu’il y a 50 ans dont on prévoit la disparition à plus ou moins long terme. Comme dans le cas de la mer d’Aral, de la Mer Morte, l’évaporation n’en est pas la cause essentielle, on la doit à la guerre de l’eau entre les nations riveraines et à leur incapacité à assurer la gestion d’un bien commun à l’espèce humaine.

L’eau potable est inaccessible à des millions de personnes. La fonte des neiges, des glaciers, des calottes glaciaires expose la terre à une augmentation des températures saisonnières. Partout l’avancée des déserts suit celle de la montée des eaux. Partout on découvre des traces de civilisations disparues pour des raisons de transformation de l’environnement, le plus souvent dues à des évènements imputables à l’Homme. Partout le comportement des Hommes semble vouloir dire qu’ils considèrent la Terre sur laquelle ils vivent comme un gigantesque objet consommable et qu’un jour, l’ayant totalement pillée et rendue invivable, ils monteront dans un beau vaisseau spatial pour aller voir à consommer et piller une autre planète.

Une catastrophe à bas-bruit est en train de rendre la terre stérile. Les déserts du moyen Orient étaient autrefois de lieux de vie. On y trouvait des cités et des civilisations magnifiques, de nombreuses espèces animales. La modification des sols, la disparition des espèces animales, la désertification des espaces n’est pas le seul fait du climat, mais de la prédation de l’homme. Celle qui aujourd’hui engendre le futur désert qui prendra peu à peu la place de l’Amazonie dans le millénaire, comme pour le centre de l’Australie, le Nord de la Chine, le Centre-Afrique mais aussi le centre de l’Amérique, le sud de l’Europe, une partie de l’Inde, de la Fédération Russe. Partout cela réduit l’humidité de l’air, arase la terre en ne laissant que poussières et sables sur des étendues gigantesques[1].

En 70 ans, la terre a été plus exploitée, maltraitée, transformée par l’homme que durant les derniers millénaires. La moitié des espèces animales recensées a disparu affectant les délicats équilibres de certains écosystèmes, d’autres prospèrent, à l’exemple de troupeaux de bovins, au détriment de l’environnement. Poumon de l’humanité, la forêt tropicale ne couvre que 7% de la surface de la terre. Faute de couvert végétal la pluviosité se réduit dans des milieux qui deviennent hostiles à la vie là où des orages monstrueux lessivent la terre.

Au centre de l’Amérique du Sud, 20% de l’Amazonie devient une savane avant de se transformer en terre aride dans moins de cent ans. La déforestation frôle les 25% du massif et l’hypothèse de ne plus pouvoir récupérer la situation est de plus en plus évidente. Pour la seule journée du 30 juillet 2020, les satellites y ont détecté 1 007 incendies. La pluviosité diminue, l’humidité aussi, laissant place à une sécheresse qui favorise les incendies gigantesques en Californie ou en Oregon qui deviendront des régions semi-désertiques comme l’Arizona et le Nevada. Des dizaines de milliers d’hectares ont déjà été ravagés dans le Sud de la Californie, des milliers d’habitations ont brulé, des milliers de familles se sont retrouvées à la rue cet été 2020. En 2019, l’équivalent des Pays Bas a disparu dans les incendies en Australie et une superficie au moins égale brûle ou disparait chaque année dans le monde.

Les évènements climatiques prennent des proportions quasi-bibliques, incendies gigantesques, pluies diluviennes, ouragans cataclysmiques, sècheresses inhabituelles qui, conjugués, forment les embryons des déserts qui rendent la terre infertile et inhabitable comme c’est déjà le cas dans de nombreuses régions. Partout dans le monde les hommes sont ou seront chassés de leurs habitats, comme au Maroc, en Tunisie, en Algérie, partout au Moyen-Orient mais aussi en Asie, en Chine. Des sites nourriciers sont envahis par la poussière, le sable.

Nos déserts doivent beaucoup aux milliers d’années de déforestation durant lesquelles les forêts se transforment en savanes, deviennent arides faute d’humidité et disparaissent sous les flammes.  Des mers, des lacs, des rivières disparus faute de connaissances, de prise de conscience. Mais maintenant !?

La poussière influence les régimes de pluviosité – Les variations climatiques en Afrique sub-saharienne, au Sahel, agissent sur la concentration de poussières dans l’air. Ces tempêtes de poussière sont des phénomènes météorologiques fréquents dans les zones arides et semi-arides. Elles sont généralement associées aux cyclones qui arrachent de grandes quantités de sable et de poussière aux sols nus et secs et les transportent dans l’atmosphère sur des milliers de kilomètres. Environ 40 % des aérosols présents dans l’atmosphère terrestre sont des particules de poussière dues à l’érosion éolienne. Ces matières minérales proviennent surtout des régions arides de l’Afrique du Nord, de la péninsule arabique, de l’Asie centrale et de la Chine. L’Australie, le continent américain et l’Afrique australe y contribuent de manière non négligeable.

Soulevées du sol ces poussières étouffent la végétation qui protégeait la surface terrestre de l’érosion éolienne. C’est pourquoi la sécheresse augmente les risques de tempête de poussière, tout comme certaines méthodes de culture, d’élevage intensif et surtout une mauvaise gestion des ressources aquifères[2]. Ces poussières remontent vers le Nord poussées par les vents qui comme le Simoun, le Sirocco ou le Chergui  sont à l’origine de risque de réactions allergiques, d’infections bactériennes, favorisant les maladies respiratoires. Certaines poussières sont plus dangereuses que d’autres comme la silice cristalline pouvant causer la silicose ou un cancer des poumons.

Ces poussières, notamment d’origines minérales, ont une incidence sur le climat. Leur présence influence la composition microphysique des nuages et leur capacité à absorber le rayonnement solaire. Ce qui a une incidence sur la quantité d’énergie qui parvient à la surface de la Terre. Les particules de poussière influent également sur la croissance des gouttelettes et des cristaux de glace dans les nuages, ce qui a un effet sur l’abondance et sur l’emplacement des précipitations.

La poussière devient un danger mortel pour la population mondiale. Nous bétonnons nos villes, nos campagnes, augmentant encore la création de milliards de tonnes de poussière. Nos industries sont à l’origine de résidus microscopiques qui se déposent dans nos maisons, nos jardins, nos espaces vitaux. Deux milliards de tonnes de poussière sont projetées dans l’espace chaque année. Les résidus plastiques, sous forme de microparticules, ne se contentent pas d’asphyxier les mers, plus de 1000 tonnes annuelles, volent et retombent dans les villes, les campagnes. La moitié de l’humanité respire un air de plus en plus pollué[3]. Dans certaines parties du globe, le niveau de pollution peut atteindre 5 fois la norme admise par l’OMS. Chaque année cette pollution cause le décès de quelques 5 millions de personnes[4].

La poussière est pratiquement partout. Nous n’y portons pas suffisamment attention et nous ne réalisons pas combien elle est une substance dangereuse qui a des répercussions sur la vie de millions de personnes. Depuis des années on sait que la poussière en suspension dans l’air a des effets sur le climat, la santé humaine, l’environnement (l’hydrologie) et divers secteurs socio-économiques. On sait qu’il est impossible de se débarrasser des poussières dues aux activités industrielles et on connait les risques éventuels de maladies respiratoires opportunes. Selon les spécialistes cette pollution augmente quatre fois plus que prévue, ce qui fait perdre deux ans d’espérance de vie.

Selon leur taille, les poussières en suspension présentent de graves risques pour la santé. La taille des particules détermine en grande partie l’ampleur du danger. Elles sont généralement responsables de simples irritations de la peau et des yeux, de conjonctivites et d’infections oculaires. Toutefois, quand les particules fines pénètrent dans les voies respiratoires inférieures et atteignent la circulation sanguine, elles peuvent affecter tous les organes internes et causer des troubles cardio-vasculaires. Selon une évaluation réalisée en 2014, l’exposition aux particules de poussière aurait provoqué 400 000 décès prématurés dus à des maladies cardio-pulmonaires au sein de la population âgée de plus de 30 ans. Certaines maladies mortelles sont transmises par la poussière notamment la méningite. Elle frappe lourdement l’Afrique subsaharienne. De nombreuses études ont établi des liens entre les conditions environnementales, dont l’insuffisance d’humidité et la présence de poussière, et le moment et le lieu des infections. Les chercheurs pensent que les particules de poussière inhalées par temps chaud et sec créent des conditions favorables à une infection bactérienne. Un phénomène encore mal cerné mais qui affecte la mortalité de la population un peu partout dans le monde à l’exemple de la « fièvre de la vallée de San Joaquin » – potentiellement mortelle – dans le sud-ouest des États-Unis d’Amérique et le nord du Mexique, où les vents transportent les spores de champignons du genre Coccidioides.

Tous ces phénomènes ont un point commun : ils contribuent à la diminution de l’humidité de l’air et à favoriser l’augmentation de la volatilité des poussières polluantes quelle qu’en soit l’origine. Pourtant la terre regorge d’eau.

La terre regorge d’eau – L’Homme est né – raconte la Bible – de la boue par un mélange de poussière et d’eau à 60%. Cette eau nous est aussi vitale que l’air. Pourtant elle semble manquer. Terrible erreur et tragédie annoncée : l’eau ne manque pas, c’est sa mauvaise répartition, c’est le manque d’investissements dans sa gestion et dans la recherche de gisements aquifères qui condamnent deux milliards d’êtres humains à n’avoir pas accès à l’eau potable.

Il n’y a pas que la montée des eaux qui devrait nous inquiéter. Dans certaines régions du monde 3,5 milliards de personnes vont devoir vivre avec une température moyenne annuelle de 29° d’ici à 2070. Cela représentera une surface terrestre de 19% environ soumis à ces températures contre 0,8% aujourd’hui (essentiellement au Sahara). Une surface qui ne cessera d’augmenter. Pourtant on sait que le réchauffement climatique est atténué par l’irrigation intensive, par la mise en eau de parcelles de terre qui deviennent cultivables. Un phénomène amplifié par l’augmentation des surfaces plantées qui engendre à son tour une amélioration de la couverture nuageuse, donc la pluviosité. En prenant le problème à bras le corps, 800 millions d’humains supplémentaires pourraient se nourrir si toutes les terres possiblement irrigables l’étaient grâce à une meilleure gestion de l’eau, soit une surface de 140 millions d’hectares selon Sciences Advances.

Plus de mille milliards de dollars pour « la conquête spatiale » … et la guerre des étoiles, et pas un sou pour faire revivre la mer morte et voir revenir de l’humidité sur la région. A ce rythme il ne faudra pas attendre des milliards d’années pour que le soleil, en explosant, brule la belle bleue et les espèces encore vivantes. Il suffira de quelques millénaires si l’homme dans sa fuite stupide devant les réalités, ne cesse de vouloir aller chercher de l’eau sur Mars alors qu’il serait plus avisé de mieux exploiter celle de sa planète natale.

Les déserts couvrent le tiers environ de la surface des continents pourtant, ils recèlent des gisements aquifères non exploités. Le Sahara aurait plus de 7 millions d’années alternant des périodes sèches et humides avec des paysages verdoyants et des lacs, des fleuves. L’eau y est pourtant encore présente. Le touriste qui s’aventure à Tozeur dans le sud Tunisien à la surprise de constater qu’il marche sur un sable saturé d’eau. Au centre de Tozeur, de l’eau chaude circule dans des ruisseaux traversant l’oasis. Sous terre, y compris dans les déserts des milliards de mètres cubes d’eau sont disponibles. Caché sous des dunes de sable, un fleuve comparable à la taille du Nil égyptien, le Koufrah a disparu depuis environ 125 000 ans. Le temps du déclin est long, très long. Découvert dans l’Est de la Lybie son origine pourrait expliquer les énormes quantités d’eau douce découverte du temps de Kadhafi. Ces découvertes de gisement aquifères se multiplient un peu partout dans le monde contribuant à la renaissance des cultures et au maintien des populations. Pourquoi en parle-t-on si peu ? Parce que ce n’est pas encore rentable !?

Les marchands d’eau du XXI ème siècle sont en embuscade. – L’eau devra-t-elle entrer en bourse pour se voir mieux utilisée ? Dans L’Or Bleu (Fayard), Tony Clarke et Maude Barlow dénonce la mauvaise gestion des ressources en eau et le caractère universel du droit à l’accès à l’eau saine faisant l’objet d’une déclaration de l’ONU: « Le droit à l’eau garantit à chaque être humain de disposer pour son usage personnel et domestique d’une eau abordable et saine, en quantité suffisante, de qualité acceptable et accessible ».

Bien loin des peuples concernés, des banques, des groupes d’influences, s’organisent pour « marchandiser » une ressource qui va devenir plus rare et plus difficile à obtenir et donc plus chère que le pétrole : l’eau. La grande soif qui attend le monde étouffé par les poussières consécutives à la surexploitation de la nature va créer un marché en or pour les marchands d’eau du XXIe siècle. La Bourse fera des bonds qui enrichiront les pays avantagés par un régime hydrique favorable et pénalisera ceux des pays qui n’ont pas su améliorer leur gestion. L’eau serait alors soumise à la volonté du système financier où seul le profit déterminerait ceux qui ont droit ou non à l’accès à une eau bon marché. Des Etats se feront la guerre, des populations mourront, animaux et espèces végétales d’abord.

Le dessalement de l’eau de mer ne peut être qu’une solution palliative et non pérenne car les saumures de la désalinisation provoquent des pollutions locales dévastatrices. La priorité doit être donnée à la recherche des gisements aquifères dans le monde pour accéder aux énormes ressources d’eau cachées afin d’humidifier des terres en train de devenir arides. C’est un français, Alain Gachet, qui a été un pionnier en découvrant le gisement d’eau fossile en Lybie, au Darfour à 60 mètres de profondeur. Après avoir travaillé dans l’exploration pétrolière, il utilise son expertise pour la recherche d’eau profonde potable en Afrique et au Moyen-Orient. Inventeur du système WATEX (Water Exploration) avec lequel il découvre des gisements aquifères géants au Kenya puis en Ethiopie, il poursuit ses travaux en Iraq, Afghanistan et Angola dans le cadre de ses recherches de gisements aquifères, non sans difficultés.

L’humanité n’a pas d’argent pour amener de l’eau dans les zones arides mais elle en a pour aller sur Mars. Alors ma question est la suivante : existe-t-il une forme de vie intelligente sur Terre ?

Note: l’image d’ouverture est celle des incendies dans le monde

[1] https://fr.wikipedia.org/wiki/Liste_des_principaux_d%C3%A9serts

[2] En France, l’irrigation des cultures avec de l’eau potable, chère, faute de fourniture alternative d’eau en est un exemple proprement scandaleux

[3] Climate and Atmosperic Science

[4] Professeur Gavin Shaddick, de l’Université d’Exerter.

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A propos de l'auteur

Denis

Denis Ettighoffer, fana de science-fiction, auteur de « L’entreprise virtuelle », le livre qui l’a fait connaître en 1992 est un des spécialistes français reconnus dans l’étude projective de l’impact des TIC (Technologies de l’Information et de la Communication). Ses contributions à la réflexion sur les évolutions des sociétés, des modèles économiques et organisationnels sont nombreuses. Sa spécificité réside dans sa capacité à analyser le présent, pour en extraire les orientations économiques et sociétales stratégiques pour les décennies à venir. Son parcours atypique aura forgé chez lui une pensée singulière. Son dernier livre, « Netbrain, planète numérique, les batailles des Nations savantes » (Dunod) a reçu le prix du livre du Club de l’Economie Numérique en 2008. Denis Ettighoffer un temps Membre correspondant de l’Académie de l’Intelligence économique collabore désormais avec l’équipe d’IDEFFIE (Développement de l’expertise française et francophone à l’international et en Europe ) .

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