acoustiquelevitationIls mettent un homme hors de combat, stimulent l’expression des émotions, accélèrent la pousse des vignes, guérissent nombre de maladies, protègent des zones réservées, adoucissent les mœurs, annulent le bruit, font léviter des objets.  L’acoustique couvre des domaines d’une grande diversité, dont certains gardent un coté mystérieux ou magique. Voilà pourquoi je vous invite à un voyage dans les applications les plus récentes en matière d’ondes sonores, de bruits, de musicothérapie et à travers les étonnantes retombées des innovations acoustiques. Au bout de ce voyage, que j’espère chargé d’émotion, je pose la question suivante : où sont les pôles d’expertise français correspondants. Comme je l’écrivais dans les années 80 à propos des industries de la simulation, je considère aujourd’hui que la R&D et ses applications dans le domaine des sons et de l’acoustique seront porteurs de grandes découvertes, y compris sur nous même.

Les ondes sonores agissent profondément sur nos émotions. Nous savons l’importance de la voix. La voix qui nous identifie, qui retient l’attention, qui charme, qui agace. Des voix qui seront retenues pour devenir speaker à la radio, pour doubler un acteur étranger ou pour faire passer une publicité. Une voix aussi qui servira de vecteur afin de vous hypnotiser. Il n’a échappé à personne que la voix pouvait devenir, par sa qualité exceptionnelle, un ascenseur social royal, parfois dans les conditions les plus inattendues : souvenez-vous[1]. Voilà qui démontre bien notre sensibilité mais aussi notre vulnérabilité émotionnelle aux sons. Depuis la nuit des temps, la musique, les sons, les rythmes sont associés à l’évolution des cultures et des évènements qui marquent la vie des hommes. Fêtes ou deuils, paix ou guerre, médecine ou poison. La très grande majorité des espèces réagissent aux ondes sonores. Des plus simples au plus complexes, les créations acoustiques ont toujours fascinées les hommes. Et d’ailleurs pourquoi dis-je les « hommes » ? Les animaux aussi sont sensibles aux sons et aux musiques rythmées qu’ils craignent parfois ayant une plus grande sensibilité aux bruits. A ce détail près qu’ils ne peuvent pas se boucher les oreilles ! Tous ces sons, langage universel et intemporel, parlent aux corps et aux esprits et les font agir de façon plus ou moins positive.

ondes-sonores-de-couleur-25814440Les sonorités du 21eme siècle inventent une nouvelle culture audio-visuelle. Le cinéma utilise largement les sons et la musique pour inventer des sonorités et des bruits nouveaux. Les sons inventés venus du fond de l’espace ou de la préhistoire font les délices des spectateurs, utilisés maintenant par les constructeurs des autos électriques afin d’alerter des passants distraits.  La culture électro et d’une façon générale les raves party qui dégagent une formidable énergie sont les nouveaux lieux sociaux où se rencontre une jeunesse avide d’univers sonores différents et originaux[2]. Des musiciens contemporains n’hésitent plus à braver les codes de la musique classique pour en faire un mix moderne, populaire et surtout de leur temps. La diversité musicale est aujourd’hui une des plus riches que nous ayons jamais connue. Déjà les spectacles associant la musique et la numérisation explosent ouvrant la porte à une industrie florissante. L’univers culturel des années futures sera un enchantement, une mosaïque de compositions et d’artistes originaux à l’aise avec les  instruments et la scénarisation rendue possible par les technologies numériques. Branchées sur les réseaux elles favorisent la création musicale coopérative internationale[3], à l’exemple des nombreuses productions de PlayingForChange. Les expériences collectives de création et d’expression musicales se multiplient partout dans le monde où les peuples chantants développent une plus grande empathie pour leur prochain. Les manifestations des chants collectifs sont des moments d’émotion appréciés et les «flash mob musicaux » sont désormais très recherchés afin d’animer la vie urbaine. La musique fait du bien. Plus étonnant sinon étrange, les amuseurs, les innovateurs les plus divers, rejoignent les scientifiques de l’IRCAM, de Da Fact, pour inventer des instruments musicaux censés enchanter nos oreilles. Quelques instants passés sur ce site illustrent magnifiquement la richesse et l’inventivité des musiciens, comme cet ingénieur acousticien, qui propose un clavier compact pour se distraire en créant de la musique. Des chercheurs proposent de rendre les codes-barres acoustiques. Ces derniers se présentent comme une succession d’encoches gravés, en relief ou découpés sur une variété de matériaux et objets tels que le bois, le verre, le plastique ou encore la pierre… L’idée ? Les utiliser pour déclencher des fonctions interactives ce, en produisant un son complexe en glissant un ongle sur le code barre par exemple, mais pas seulement. En fait, un minuscule microphone est attaché à la surface pour capter les ondes. Des petits malins utilisent déjà ce procédé pour sonoriser des livres pour enfants. Plus fort encore, un chercheur japonais propose d’utiliser les vibrations de la chaussée pour rendre la route musicale. Il considère que cela inciterait les automobilistes à une conduite adaptée puisque les sonorités musicales ne peuvent être appréciées qu’à partir d’une vitesse donnée.

Les sons qui guérissent. La musicothérapie est entrée dans les mœurs. Pourquoi serions-nous  sceptiques ? Après tout, l’utilisation des sons et de la musique pour nous rendre euphoriques ou nous transformer en meurtriers n’est pas si nouvelle ! Le philosophe Platon fut le précurseur qui affirma le caractère thérapeutique de la musique. L’influence des ondes sonores sur le cerveau et les comportements des hommes et des animaux fait l’objet de nombreuses recherches. Avec la musicothérapie nous avons appris que les neurotransmetteurs peuvent être affectés, par exemple par la drogue mais aussi stimulés par des musiques particulières. Les chercheurs sont convaincus que la musique peut rendre plus intelligent,  que l’intensité sonore incite à des comportements de fuite ou d’agressivité et qu’elle concoure, ce n’est pas une nouvelle, à la socialisation des individus mais aussi à celle de personnes handicapées comme les autistes. Aujourd’hui, la musicothérapie est reconnue partout dans le monde et utilisée notamment dans les hôpitaux afin de favoriser la détente dans le cadre d’interventions les plus diverses. Anaesthesia multiplie les utilisations de l’association de l’hypnose et de la musique lors d’actes chirurgicaux. Au Québec  les interventions des « sonologues », terme local employé pour désigner ces spécialistes de la musicothérapie, sont prises très au sérieux et font l’objet de reportage réguliers.  Un Institut de Sonologie y a même été créé. Le premier de ces Instituts a été fondé aux Pays-Bas par le compositeur Gottfried Michael Koenig à l’université d’Utrecht, puis à la Hague,. Ces Instituts se multiplient un peu partout dans le monde. En France nous trouvons le Centre International de Musicothérapie[4],  qui assure la formation de praticiens en médecine douce.  Guérir par la musique ou tout simplement atténuer des souffrances physiques et psychiques n’est plus considéré comme relevant du charlatanisme. Les plus sceptiques reconnaissent que les ondes sonores pourraient devenir un vecteur majeur de la médecine de soi, de la médecine du futur. Le numéro de Sciences et Vie d’octobre 2013, développe longuement les étranges découvertes montrant les capacités du cerveau à agir sur le corps et sa santé par la méditation. Méditation soutenue par des musiques adaptées à des états de conscience particulier favorisant l’autorégulation de l’activité du cerveau et entre-autres, la création d’un bien être.

Les sons qui agissent sur la vie. Dans les années 90, les fondateurs de la firme Genodics ont du serrer les dents bien des fois face à l’incrédulité de leurs interlocuteurs. Des années et des centaines d’expériences plus tard notamment dans les vignes, la société Genodics développe et met en place des applications pour la protection des végétaux selon un nouveau concept de biologie ondulatoire : des suites de séquences sonores interagissent avec les plants afin de stimuler ou d’inhiber la synthèse de protéines, de manière très spécifique. Genodics installe des hauts parleurs dans des vignes afin de stimuler la croissance et la résistance du raisin des coteaux bordelais. Précisément définies par leurs fréquences, durées et intervalles, ces séquences de sons sont aptes à avoir un effet régulateur sur les processus biologiques correspondants. Les applications des sons dérivent maintenant vers les cultures maraichères, l’élevage et l’ostréiculture.  De plus en plus d’agronomes s’intéressent à ces applications des ondes électromagnétiques pour la santé et la défense des plantes. Les recherches se multiplient. Des airs de Mozart sont utilisés pour stimuler la productivité des enzymes, micros organismes qui traitent les déchets organiques des cuves de décantation des eaux usées. La diversité des usages de la musique ou, si vous préférez, des ondes sonores, ne cesse de nous surprendre en agissant même sur nos humeurs.

Les sons comme armes de dissuasion. Il a fait un temps l’ouverture des journaux télévisés. Le « Sonic Teenager Deterrent » est un émetteur d’ondes de dissuasion à l’encontre des adolescents pouvant gêner l’entrée des magasins, des bureaux et des logements. Il émet des séries d’impulsions sonores très particulières que les jeunes sont les seuls à percevoir alors que les adultes, eux, ne perçoivent presque rien. On constate là, le potentiel des recherches acoustiques dans le cadre d’armes de dissuasion non létales pour les forces de l’ordre. L’armée n’a pas été la dernière à s’intéresser aux propriétés des jets sonores comme arme de défense ou d’attaque. Des canons à sons développés par l’armée américaine et d’autres par la police terrassent un adversaire ou des manifestants en émettant soit des « infrarouges », soit des sons ultra-puissants. La saturation sonore est bien connue des fabricants d’alarme.

synoptique_metiers_acoustiqueLa science des sons nous réserve encore beaucoup de surprises.  L’utilisation de la mécanique vibratoire pour sonder les sols n’est pas nouvelle. Mais la Tomographie acoustique fait, elle, partie des récentes découvertes de la R&D pour explorer finement l’intérieur du corps et notamment les échanges moléculaires dans le sang. Elle fait déjà l’objet de très nombreuses applications dans le domaine des sonars. Ainsi les chercheurs de l’Institut Fresnel travaillent sur l’invisibilité sonore[5]. Ici il s’agit de dispositifs techniques qui dévient les vibrations sonores afin de protéger certaines zones notamment contre les séismes.  Les applications de certaines fréquences pour créer un bruit blanc afin d’annuler certains sons sont désormais connues du grand public. Moins connues sont les applications envisagées pour rendre invisible un sous marin aux sonars.  Plus intrigantes encore voici les applications de l’acoustique et des propriétés des ondes sonores à faire léviter des objets. Cette découverte va permettre aux scientifiques d’utiliser la lévitation pour améliorer le processus de développement de médicaments plus efficaces avec moins d’effets secondaires. Citons encore les applications de la thermo acoustique pour générer du froid à partir d’ondes sonores en n’utilisant aucun gaz polluant. On ne se lasse pas de feuilleter le bottin des sciences du son faisant appel à une grande diversité de disciplines scientifiques et culturelles[6]. La France abrite de très nombreux laboratoires de recherche et des écoles spécialisées pas très connues en dehors des milieux spécialisés, même l’IRCAM mène une vie toute de modestie malgré son potentiel. Alors n’est-il pas temps d’envisager de créer des synergies entre ces acteurs, de créer des liens qui potentialisent leurs efforts afin de constituer des pôles d’excellence forts à l’exemple de celui en gestation au Mans dans la Sarthe. Des plateformes de R&D et leurs applications capables de créer une filière d’avenir riches en création d’entreprises et d’emplois ?  Je vous invite à lire les recommandations du livre blanc de la Société Française d’Acoustique. Il ouvre le lecteur à la multiplicité des applications de la discipline. Pour conclure, je vous fais un magnifique cadeau : ce lien vers un film « L’Instinct de la musique » qui mieux que je ne puis l’écrire devrait nous convaincre d’investir massivement dans des centres d’excellences et de pôles de recherche plus visibles, mieux aidés, financés pour en faire un des domaines d’excellence français.

Documentations et démonstrations utiles

http://music.blog.lemonde.fr/
http://www.audiokeys.net/forum/showthread.php/27259-Music-amp-You-2010-La-vid%C3%A9o-du-KARLAX-de-DA-FACT
http://www.wimp.com/switchmusic/
http://www.youtube.com/watch?v=cUhPA5qIxDQ&feature=youtu.be

[1] Combien connaisse la suite et elle ne fut pas la seule !

[2] Bunker Rave Party Lopik (NL) novembre 2011

 

[3] En France, Nicolas Delorme, président de Voxler travaille au projet Voxstrumental dont un premier prototype a été présenté à la Cité des Sciences et de l’Industrie en 2009. Ce dispositif permet aux participants de chanter dans les microphones pour former ensemble un orchestre d’instruments numériques. Le projet a maintenant disparu des écrans radars.

[5] Rendre invisible nos sous marins : Science et Vie 10_2008 – Institut Fresnel

[6] Voir L’Association de la Société Française d’Acoustique et son livre blanc.

Précédent

Le Gène Dissident facteur clé de l’évolution des organisations

Suivant

La géo-localisation de la R&D et des zones d’innovation

A propos de l'auteur

Denis

Denis Ettighoffer, fana de science-fiction, auteur de « L’entreprise virtuelle », le livre qui l’a fait connaître en 1992 est un des spécialistes français reconnus dans l’étude projective de l’impact des TIC (Technologies de l’Information et de la Communication). Ses contributions à la réflexion sur les évolutions des sociétés, des modèles économiques et organisationnels sont nombreuses. Sa spécificité réside dans sa capacité à analyser le présent, pour en extraire les orientations économiques et sociétales stratégiques pour les décennies à venir. Son parcours atypique aura forgé chez lui une pensée singulière. Son dernier livre, « Netbrain, planète numérique, les batailles des Nations savantes » (Dunod) a reçu le prix du livre du Club de l’Economie Numérique en 2008. Denis Ettighoffer un temps Membre correspondant de l’Académie de l’Intelligence économique collabore désormais avec l’équipe d’IDEFFIE (Développement de l’expertise française et francophone à l’international et en Europe ) .

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

9 + seize =

Voir aussi

quatre × quatre =