L’environnement technologique de la société dite numérique a changé de tout au tout les conditions de vie, de distraction et de travail. Des lois ont été adoptées pour faciliter le télétravail, des dispositifs particuliers tentent de généraliser la télémédecine et la e.administration, des modèles économiques s’inventent tous les jours pour développer les activités de services à distance dont ceux destinés aux usages de produits et services culturels (livres numériques, visites virtuelles de musées, école à domicile avec la Visio et la vidéoconférence, le cinéma ou la musique avec la VOD). Des modèles et des pans entiers d’activités anciennes sont détruits ou s’adaptent à la fois à l’évolution des mœurs et des pratiques sociales et professionnelles. Des pratiques largement marquées par le faux sentiment de gratuité dont ont largement profité les opérateurs pour encourager les abonnements des internautes. C’est cette gratuité « perçue » des contenus qui ont fait leurs succès. Comment ne pas être agacé de voir maintenant ces opérateurs faire le siège des députés afin de les convaincre de faire supporter aux internautes – leurs abonnés – les frais de surveillance des téléchargements présumés illégaux en obligeant les présumés coupables a continuer à payer leurs abonnements alors qu’ils ne disposeront plus du service correspondant. Dois-je rappeler que cela est interdit par la loi !? De même comment supporter que des tiers risquent de se voir pénalisés parce qu’un membre de la famille ou un collaborateur de l’entreprise télécharge de manière compulsive ? Ma crainte est que les opérateurs ne vont pas se fatiguer et dépenser des fortunes en investigations sur les IP des fraudeurs. Ils vont identifier les internautes les plus actifs en téléchargements et leurs envoyer des courriers d’avertissements. Ce bidonnage présentera le triple avantage de faire peur à de gros consommateurs de bande passante, de montrer aux représentants des ayants droits qu’ils ont actifs en matière de téléchargements illégaux et de laisser aux internautes la charge de démontrer qu’ils sont innocents. Intéressé? Voir les échauffourées entre les acteurs.
A propos de l'auteur
Denis
Denis Ettighoffer, fana de science-fiction, auteur de « L’entreprise virtuelle », le livre qui l’a fait connaître en 1992 est un des spécialistes français reconnus dans l’étude projective de l’impact des TIC (Technologies de l’Information et de la Communication). Ses contributions à la réflexion sur les évolutions des sociétés, des modèles économiques et organisationnels sont nombreuses. Sa spécificité réside dans sa capacité à analyser le présent, pour en extraire les orientations économiques et sociétales stratégiques pour les décennies à venir. Son parcours atypique aura forgé chez lui une pensée singulière. Son dernier livre, « Netbrain, planète numérique, les batailles des Nations savantes » (Dunod) a reçu le prix du livre du Club de l’Economie Numérique en 2008. Denis Ettighoffer un temps Membre correspondant de l’Académie de l’Intelligence économique collabore désormais avec l’équipe d’IDEFFIE (Développement de l’expertise française et francophone à l’international et en Europe ) .
Hadopi : un déséquilibre entre l’origine du délit et ses conséquences pour les internautes
Hadopi revisite les sanctions spécifiques aux téléchargements de biens numériques issus de la contrefaçon et du non respect de la propriété intellectuelle. Ce ne sont pas les opérateurs qui sélectionnent les internautes à sanctionner. Ce sont des représentants, des institutions représentant des ayants droits qui, par des procédés d’espionnage divers, leurs indiquent les numéros des IP susceptibles de télécharger des contenus illégaux. Ces contenus enregistrés sur le PC de l’internaute sont assimilables à du recel d’actifs immatériels. Des lois existent déjà qui sanctionnent ce délit. Dans l’approche actuelle, il est curieux d’observer qu’il semble facile de faire le rapprochement entre un contenu délictueux et un code IP désignant le coupable supposé d’un téléchargement. Si, comme on le dit à satiété, on sait établir cette relation, c’est donc que l’on sait dire qu’un contenu particulier est mis à disposition sur la Toile en totale infraction avec la loi. Suis-je complètement idiot ? Si l’on sait dire qu’un contenu téléchargé est illégal en regard d’un IP d’un internaute donné pourquoi ne peut-on le bloquer et empêcher la constitution d’un acte répréhensible ? D’ailleurs l’internaute sait-il qu’il commet une infraction à un moment donné, je n’en suis pas convaincu. J’en viens à conclure que le législateur prend la pente la plus facile et la plus rémunératrice pour les représentants des ayants droit plutôt que de s’attaquer à ceux qui mettent des contenus illicites en ligne. Normal, la plupart échappe à la juridiction nationale. Par ailleurs, je suis intrigué par le fait que la presse annonce que des milliers de lettres d’avertissements seraient déjà prêtes à partir chez les internautes suspectés, dès le vote de la loi. Est-il normal d’agir sur la base d’une faute qui serait antérieure au vote de la loi ?