touristAu Japon, le « Manga » est ce que le « Coca Cola » est aux Etats-Unis, un porte drapeau de la culture nationale assumé, utilisé pour la valoriser à l’international. En 2005, le gouvernement japonais a commandé une étude prospective au Marubeni Research Institute sur le Japon du XXIème siècle suite à l’augmentation de l’intérêt porté à la culture japonaise, le nombre de personnes étudiant la langue japonaise ayant plus que doublé entre 1990 et 2004. L’étude mit l’accent sur l’importance prise par le développement des entreprises de biens culturels qui avaient augmenté relativement de 4% entre 1996 et 2001 alors que les industries traditionnelles diminuaient de 6%. Ces entreprises de biens culturels ont dégagé un chiffre d’affaires de 350 milliards de dollars pour une croissance de 88% sur la période. L’exportation de ces biens culturels aura représenté 6 milliards de dollars en 1994 et 19 milliards en 2004 contre deux milliards d’euros pour la France[1]. Pour « Japon XXIe, vision du siècle », le Japon devait valoriser et diffuser la créativité japonaise dans l’économie du futur[2]. Pourquoi ne trouve t’on pas une telle détermination en France ? Tout à la défense de leur patrimoine immatériel, les éditeurs en font oublier la faiblesse de la France en matière d’exportation de biens culturels et de commercialisation de biens numériques, ce qui me parait plus inquiétant que nos chamailleries sur le partage ou le manque à gagner supposé des droits d’auteurs avec le piratage[3]. reveilles-toi-faineantPour se consoler certains m’affirment que la France est un des rares pays à résister à l’envahisseur barbare américain, notamment grâce à des lois sur les quotas et à son soutien à la production. Désolé, mais le discours du vaillant petit village hexagonal ne me rassure pas. La production américaine et plus généralement anglo-saxonne écrase la production française, y compris en matière de séries TV, laissant peu d’espace aux productions européennes originales. La dépendance des télévisions françaises vis-à-vis des productions américaines devient préoccupante. En 2007, sept des dix meilleures audiences de la télévision française sont des séries américaines. Rien ne vaut pour se convaincre des dégâts que de passer quelques heures avec TV5 dans les quelques endroits du monde où elle est visible : tous les rebuts et nanars de notre production s’y donnent rendez-vous. Comment s’étonner ensuite de voir s’effondrer lentement mais surement l’influence de la francophonie ? Dans le débat sur les conséquences des nouveaux modèles économiques engendrés par la numérisation, nous devons soutenir non plus la seule production mais aussi la distribution des biens culturels français (livres, cinéma ou musique) en y incluant l’offre de formation, grande absente de la réflexion sur nos exportations de services. La formation représente un budget annuel de mille milliards de dollars pour les pays de l’OCDE et devient un enjeu majeur pour les nations qui souhaitent développer leur économie immatérielle. Les français ne sont pas suffisamment actifs dans les réseaux d’elearning (téléformation) internationaux. Singapour investit massivement dans ses universités afin d’attirer les étudiants asiatiques avec l’objectif de gagner entre deux et quatre points de croissance supplémentaires. L’Australie fait de même en investissant dans les activités de téléformation. Pour les nations savantes en compétition, les services de formation en ligne représentent un gisement considérable de chiffre d’affaires alors qu’un étudiant américain sur cinq reçoit déjà une part substantielle de sa formation par Internet[4]. Les montants en jeu sont de taille : le chiffre d’affaires prévisionnel de la formation à dix ans sera supérieur à l’industrie des loisirs. La formation est déjà devenue le quatrième poste d’exportation des Etats-Unis. Au final, la diminution régulière des exportations des biens culturels français reste un enjeu insuffisamment présent dans le débat sur l’économie numérique[5]. Le soutien à l’exportation de nos produits numériques (savoirs ou biens culturels) devient un enjeu clé pour faire face à une compétition qui se déplace dans les réseaux d’influence électronique qui diffusent les idées, les cultures et les connaissances.


[1] Les statistiques ne sont sans doute pas homogènes mais on trouvera des précisions sur http://www.google.fr/search?hl=fr&lr=lang_fr&q=exportations+biens+culturels+fran%C3%A7ais&start=10&sa=N

[2] Tsutomu Sugiura – Director, Marubeni Research Institute, Japan

[3] http://www.unesco.org/bpi/fre/unescopresse/2001/01-05f.shtml

[4] Selon le Sloan Consortium, en 2006, 3,5 millions d’étudiants américains ont suivi des cours en ligne.

[5] Les biens culturels comprennent les livres, la presse, la musique et les films, les partitions musicales, les instruments de musiques et œuvres d’arts. Les instruments, cela veut dire pour certains pays les équipements d’écoute et de restitution. Par contre n’y sont pas compris les services de formation.

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A propos de l'auteur

Denis

Denis Ettighoffer, fana de science-fiction, auteur de « L’entreprise virtuelle », le livre qui l’a fait connaître en 1992 est un des spécialistes français reconnus dans l’étude projective de l’impact des TIC (Technologies de l’Information et de la Communication). Ses contributions à la réflexion sur les évolutions des sociétés, des modèles économiques et organisationnels sont nombreuses. Sa spécificité réside dans sa capacité à analyser le présent, pour en extraire les orientations économiques et sociétales stratégiques pour les décennies à venir. Son parcours atypique aura forgé chez lui une pensée singulière. Son dernier livre, « Netbrain, planète numérique, les batailles des Nations savantes » (Dunod) a reçu le prix du livre du Club de l’Economie Numérique en 2008. Denis Ettighoffer un temps Membre correspondant de l’Académie de l’Intelligence économique collabore désormais avec l’équipe d’IDEFFIE (Développement de l’expertise française et francophone à l’international et en Europe ) .

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