Le cyberespace constitue un nouveau continent, une formidable opportunité pour les inventeurs de nouveaux modes de travail, de nouvelles formes d’entreprise, de nouvelles façons de créer des richesses. En 2000, le réseau Internet contribuait déjà pour 9% à la croissance du PIB et pour 22% à la plus-value boursière américaine. Une économie de l’immatériel s’impose qui cohabite avec l’économie traditionnelle et pèse désormais autant sinon plus dans les comptes des entreprises et dans ceux des grands équilibres économiques.

Une économie qui a ses lois particulières et dont on ne mesure pas encore suffisamment l’effet dévastateur sur les organisations, notamment sur les entreprises chargées de créer la richesse du 21e siècle. Les secteurs d’activités ayant les meilleures perspectives de croissance sont ceux qui se lancent dans de profondes remises en question de leurs organisations. Ils n’ont plus grand chose à voir avec ceux du début du siècle. Selon les métiers, un arbitrage nouveau s’établit entre les activités matérielles et activités immatérielles capables d’entrer dans la cyberéconomie. Chaque maillon de la chaîne de valeur traditionnelle se voit attribuer une importance qu’il n’avait pas il y a quelques années. La croissance du coût des hotlines ou des dépenses de communication est considérée comme prépondérante, comparée à celle de fabrications parfois délocalisées. Une parfaite maîtrise des prévisions météo dans le secteur agricole est considérée comme plus importante que l’investissement dans un équipement agricole. Les ordinateurs très puissants de la météorologie compilent et comparent des millions de paramètres, et des millions de dollars sont investis dans les matières premières sur la base d’anticipations et de signaux précurseurs qui permettent d’évaluer les évolutions de la production agricole. Dans le secteur de l’habillement, la capacité à anticiper les besoins et à concevoir plusieurs collections annuelles de vêtements pour enfants est considérée comme prioritaire sur la maîtrise de la production. Grâce aux réseaux, un écosystème particulier s’installe et les facteurs clés du succès évoluent. L’intelligence, c’est-à-dire l’information, incorporée aux produits et aux services, devient prépondérante sur la fabrication. Les ingrédients de la valeur ajoutée sont immatériels car générés par l’information elle-même incorporée au produit ou au service. Par ailleurs, cette valeur « immatérielle » est améliorée par une meilleure exploitation des données brutes recueillies par les compagnies. Celles-ci peuvent ainsi constituer des offres plus alléchantes, plus pertinentes, qui augmentent la valeur marchande de leurs prestations. boutique en ligneLa firme Opiocolor dessine, conçoit et fabrique des mosaïques. Grâce à Internet, ses clients designers peuvent accéder a une bibliothèque de décors qui permet de manipuler les carreaux de mosaïques, de simuler ce que donnera le modèle choisi et d’individualiser la commande à distance. Cette organisation a divisé par dix les délais qui séparent le projet et son devis de sa mise en fabrication. L’amélioration de la réactivité et la baisse des coûts consécutives à l’automatisation de la chaîne d’information ont réduit de cinq fois le prix de revient d’Opiacolor et permis ainsi d’élargir sa clientèle (1). Les activités se distribuent entre un monde physique, tangible, de produits, comme le téléphone, et un monde de services immatériels, comme l’achat par téléphone. Beaucoup d’entreprises interviennent simultanément dans ces deux types d’économie. Le processus de création de valeur n’est pas le même selon que l’on se trouve dans le monde physique ou virtuel. Dans l’un, le service est incarné par l’objet tangible, dans l’autre, par l’information qui apporte une valeur supplémentaire au prix que l’on acceptera de payer. L’un indique explicitement la fonction de l’objet, le second, incorpore des avantages particuliers au produit. Federal Express apporte par le traçage (tracking) de ses colis, l’information indiquant à tout moment où se trouve l’objet en cours de déplacement, et de cet ensemble de déplacements on tirera des enseignements utiles à d’autres clients. Chez les grands transporteurs rapides comme Federal Express et UPS, les applications du tracking constituent un service précis et un élément de différenciation. Ces évolutions amènent a constitution de véritables écosystèmes professionnels aux maillons plus ou moins intégrés dans une chaîne de la valeur globale : la Netéconomie où nous passons d’une logique de cœur de métier à une logique de réseaux de compétences.

Denis Ettighoffer Avril 2005
(1) : Paul Moga, « Le Web dope les ventes », Les Echos, 8 septembre 1999.

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A propos de l'auteur

Denis

Denis Ettighoffer, fana de science-fiction, auteur de « L’entreprise virtuelle », le livre qui l’a fait connaître en 1992 est un des spécialistes français reconnus dans l’étude projective de l’impact des TIC (Technologies de l’Information et de la Communication). Ses contributions à la réflexion sur les évolutions des sociétés, des modèles économiques et organisationnels sont nombreuses. Sa spécificité réside dans sa capacité à analyser le présent, pour en extraire les orientations économiques et sociétales stratégiques pour les décennies à venir. Son parcours atypique aura forgé chez lui une pensée singulière. Son dernier livre, « Netbrain, planète numérique, les batailles des Nations savantes » (Dunod) a reçu le prix du livre du Club de l’Economie Numérique en 2008. Denis Ettighoffer un temps Membre correspondant de l’Académie de l’Intelligence économique collabore désormais avec l’équipe d’IDEFFIE (Développement de l’expertise française et francophone à l’international et en Europe ) .

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