Vous voilà bien tranquille dans votre fauteuil, un bon livre à la main. Pourtant dans les réseaux et à votre insu, un logiciel spécialisé dans la « perception de présence » sait que vous êtes chez vous et disponible. Le logiciel de géo-localisation a testé les lignes dont vous disposez associant votre nom et votre position géographique. Votre portable ouvert, il sait pouvoir vous envoyer un message sur votre messagerie instantanée, éventuellement pour vous inviter à une réunion virtuelle … normal, puisque vous êtes censé être là ! Les clients sont surveillés, contrôlés et analysés en continu grâce à la mise en œuvre de réseaux intelligents. Des réseaux qui analysent finement les préférences des internautes et déclinent en statistiques, en probabilités leurs futures intentions d’achats. Le profilage informatique arrive là, l’analyse comportementale suit. À l’avenir, des agents intelligents très sophistiqués, capables d’apprentissage, iront chercher des informations particulières un peu partout dans des serveurs. Les logiciels d’analyse automatique des informations déjà détenues par l’entreprise permet d’établir des corrélations entre des événements afin, par exemple, de mieux “ profiler ” un client et ses comportements. Les clients qui ont un revenu moyen élevé ont plus d’incidents de paiement et de jours de débit que les clients à revenus modestes, ce qui en fait une clientèle sensible à une offre de credit revolving ou encore les propriétaires d’une marque de voiture donnée vont plus souvent au restaurant que d’autres, ce qui en fait un gisement de prospection pour les agences de voyages ; enfin les visiteurs de tels sites Internet gèrent eux-mêmes leur patrimoine et à ce titre constituent une cible privilégiée de lettres spécialisées. surveillanceLes outils d’analyses installés sur les sites d’hébergements tracent vos goûts les plus étranges, vos curiosités, vos manies de consommateurs, vos envois, vos participations aux forums de discussions ou l’accès à des ouvrages spécifiques. Autant de critères sujets, bien sûr, à de larges interprétations au gré des « pointeurs » et des organismes privés ou publics intéressés à ces profilages. On sait ce que vous mangez, ce que vous lisez, ce que vous faites de vos temps libre et de votre temps de travail. Voyeurisme et espionnite à gogo. Regardez votre boitier ADSL qui gère les utilisations de vos trafics internet, téléphone ou TV. Un véritable petit mouchard bien programmé et qui, interrogé à distance, sait répondre à toutes les utilisations que vous avez faites de vos équipements multimédias et vos préférences en matière de chaînes et de programmes… en attendant mieux. On se procure facilement tout un éventail de logiciels mouchards afin de surveiller l’utilisation d’un ordinateur et des forums où pourraient s’inscrire des maris infidèles ou des collaborateurs imprudents. Les agents qui “ profilent ” les utilisateurs et proposent des services ou des produits nouveaux en fonction du profil client se multiplient. La traque numérique devient un bon business car il facilite la connaissance des centres d’intérêts d’un individu donné. Les méta-réseaux sauront tout de vous : ils cerneront vos pulsions, vos besoins, ceux de votre famille, votre temps disponible, qui vous fréquentez sur Internet, etc. « Intelligents », informés, au courant de vos moindres interventions dans les forums ou dans des bases d’informations, sans qu’une intervention humaine ne soit indispensable, ils vous proposeront des services et parfois … ils vous manipuleront. En tout cas, ils essaieront ! Après avoir constitué des réseaux de traçage des objets et des évènements, les métas réseaux vont affûter encore leurs possibilités avec le développement d’objets capables de communiquer. Vous vous arrêtez devant un panneau d’affichage. image 1 (434)La géo-localisation, un détecteur de présence, vous a reconnu ou a identifié votre mobile. Le voilà qui vous rappelle que vous disposez d’un crédit gratuit pour tout achat dans la boutique devant laquelle vous vous êtes arrêté. L’individu, tracé, traqué, devient un objet d’information inséré dans un système de contrôle qui, en lui laissant sa liberté individuelle « apparente », permet à tout moment d’exercer sur lui des influences dont il aura plus ou moins conscience. Les applications des réseaux intelligents, toujours assez abstraites pour les non-initiés, ne sont pas très connues du grand public. De temps à autre sort un article sur le « big brother » informatique. Mais on garde l’impression à la lecture de la majorité des papiers que les auteurs jouent à se faire peur et qu’ils n’y croient pas trop eux-mêmes. Ils ont raison et tort à la fois. Ils ont raison, le pire n’est jamais sûr. Par ailleurs, l’espionnage réseau sécrète ses propres contre-réactions. Ils ont tort, parce que le danger ne vient pas d’où ils pourraient le croire. Il ne vient pas des États, mais des réseaux commerciaux. Les entreprises recueillent de plus en plus d’informations sur leurs clients ou prospects. Elles cherchent les arguments qui font vendre. Le démarchage commercial classique est très coûteux et le taux de rotation du personnel important. Ces coûts commerciaux peuvent être réduits en affinant la « cible », en connaissant mieux les personnes ou les entreprises susceptibles d’être intéressées par une offre quelconque. Dans les années à venir, nous allons voir croître les besoins de détection de logiques et de vices cachés, de phénomènes suspects, d’identification et de ciblage fin de groupes spécifiques d’acheteurs. Les logiciels d’extraction et d’organisation des connaissances pour analyser les comportements des acheteurs à partir de données recueillies sur ses points de vente permet d’isoler les groupes de clients susceptibles d’être intéressés par des offres commerciales spécifiques. Circulez, y a rien à voir ! Les caisses enregistreuses mémorisent silencieusement depuis des années nos achats pour le plus grand bonheur d’organismes d’analyses marketing spécialisés. Mais nous gardions a priori notre anonymat. Ici plus question : les caméras ou les portillons électroniques suivent vos déplacements, les autocommutateurs comme les messageries électroniques archivent les conversations et les transactions. Le village mondial imaginé par MacLuhan est là, un village de naturistes. Il avait oublié de le préciser.

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A propos de l'auteur

Denis

Denis Ettighoffer, fana de science-fiction, auteur de « L’entreprise virtuelle », le livre qui l’a fait connaître en 1992 est un des spécialistes français reconnus dans l’étude projective de l’impact des TIC (Technologies de l’Information et de la Communication). Ses contributions à la réflexion sur les évolutions des sociétés, des modèles économiques et organisationnels sont nombreuses. Sa spécificité réside dans sa capacité à analyser le présent, pour en extraire les orientations économiques et sociétales stratégiques pour les décennies à venir. Son parcours atypique aura forgé chez lui une pensée singulière. Son dernier livre, « Netbrain, planète numérique, les batailles des Nations savantes » (Dunod) a reçu le prix du livre du Club de l’Economie Numérique en 2008. Denis Ettighoffer un temps Membre correspondant de l’Académie de l’Intelligence économique collabore désormais avec l’équipe d’IDEFFIE (Développement de l’expertise française et francophone à l’international et en Europe ) .

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