Une étude sur les “acteurs de changement de société”, menée auprès de plus de cent mille personnes pendant une quinzaine d’années par une équipe dirigée par le sociologue Paul H. Ray (université du Michigan) et la psychologue Sherry Ruth Anderson (université de Toronto), affirme l’émergence des Créatifs Culturels. Le terme « Culturales creatives » a été promu par le sociologue afin d’illustrer les nouvelles tendances collectives à créer des contre-courants de pensées aux systèmes en place. Une sorte de résistance douce, par les idées, pour répondre aux idées assénées à tout va par les gouvernants quel qu’en soit la tendance. Le succès de cette approche toute récente est tel que des dizaines de milliers de contribution sont d’ores et déjà disponibles sur Google.
Les « Créatifs Culturels » sont des personnalités capables de catalyser et assurer une symbiose entre différents courants, différentes alternatives à nos modes de vie, à nos façons de nous organiser. Ils symbolisent la réponse humaine à la systémique des machines. Un quart environ des citoyens américains vivrait d’ores et déjà dans un système de valeurs et de comportements complètement nouveaux, ouvert à l’environnement, à la sociabilité, aux « valeurs féminines » et au développement personnel. De nombreux travaux réalisés en France confirment la même tendance, montrant que l’individualisation mène aussi, contre toute attente, à des valeurs de type « moi avec les autres ». Un nouveau rapport s’installe, une nouvelle forme de relations sociales prend forme sur le web car les « créatifs culturels » ont fait de l’internet leur réseau d’élection. Les individus emploient les possibilités augmentées de médias pour construire des arrangements sociaux plus complexes. Des foules numériques peuvent se mobiliser pour faire levier sur un événement, pour défendre une cause, soutenir une région en difficulté. Parfois, ils se retrouvent sur ces réseaux pour gronder ensemble, s’insurger, s’informer et se préparer à des actions collectives qui échappent à tous les dispositifs législatifs ou institutionnels connus. Un lien social et économique sans comparaison avec le passé s’établit qui modifie les caractéristiques de l’utilisation des savoirs classiques, des réseaux socio-économiques qui contournent l’économie monétaire traditionnelle. Ce sont les protestations collectives des Weblogs qui ont mis à mal le présentateur-réalisateur Dan Rather de CBS qui avait produit en septembre 2004 des documents militaires sur le président Bush qui ont été considéré comme des faux par de nombreux téléspectateurs de la chaine. Cette vague de bloggeurs, relayée par des universités, des avocats et d’autres médias, a mis en doute la crédibilité des documents présentés ce qui obligera CBS à présenter des excuses. Les communautés virtuelles deviennent les nouveaux espaces de ralliement de la société numérisée. Des essaims d’internautes peuvent rester des troupeaux tranquilles qui achètent ou déposent leurs récriminations dans des forums. Ils peuvent aussi transmettre une grande colère collective qui représente un véritable lynchage pour les entreprises ou les institutions qu’ils attaquent. Certains lecteurs se rappelleront la mésaventure du fabricant de serrures de vélo américain Kryptonite qui avait essayé de minimiser un vidéo-blog qui montrait comment ouvrir ses fameuses serrures de sécurité avec un simple stylo bille. Mais la vidéo s’est immédiatement propagée à travers la Toile forçant la société de dépenser plus de 10 millions de $ pour remplacer les serrures défectueuses. Ces créatifs culturels, porteurs d’idées et de concepts nouveaux, ont souvent le sentiment d’être des marginaux, considérés comme des loufoques ou des idéalistes dans une société matérialiste qui semble se contenter de son traintrain quotidien. Internet les a libéré et désenclavé de leurs conditions de marginaux : ils sont devenus une force agissante, une force mue par des idées. Ces personnes, maillons faibles de la Toile, dont la conscience est tout à fait éveillée, sont nombreuses puisqu’elles sont au moins 50 millions aux Etats-Unis. Mais ce phénomène n’est pas uniquement américain: des membres de l’Union Européenne, constatant son ampleur aux Etats-Unis, ont mené leur enquête et, d’après eux, il y aurait autant de Créatifs Culturels dans les 15 pays d’Europe. Ce courant culturel encore peu connu en Europe est issu d’une frange de la population fortement immergée dans les réseaux, qui se sent fortement impliquée dans les affaires du monde. Les créatifs culturels sont naturellement plus présents dans les associations relatives aux économies alternatives, à la santé et à la protection de l’environnement : ils sont des globalistes et non des mondialistes. Pour eux, si le Numérique change le monde, il permet aussi de le changer !

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A propos de l'auteur

Denis

Denis Ettighoffer, fana de science-fiction, auteur de « L’entreprise virtuelle », le livre qui l’a fait connaître en 1992 est un des spécialistes français reconnus dans l’étude projective de l’impact des TIC (Technologies de l’Information et de la Communication). Ses contributions à la réflexion sur les évolutions des sociétés, des modèles économiques et organisationnels sont nombreuses. Sa spécificité réside dans sa capacité à analyser le présent, pour en extraire les orientations économiques et sociétales stratégiques pour les décennies à venir. Son parcours atypique aura forgé chez lui une pensée singulière. Son dernier livre, « Netbrain, planète numérique, les batailles des Nations savantes » (Dunod) a reçu le prix du livre du Club de l’Economie Numérique en 2008. Denis Ettighoffer un temps Membre correspondant de l’Académie de l’Intelligence économique collabore désormais avec l’équipe d’IDEFFIE (Développement de l’expertise française et francophone à l’international et en Europe ) .

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